Mort par short buy-in

Par John Vorhaus
Je suis en train de jouer du hold’em à 10-20$ quand un nouveau joueur arrive à la table. Je ne l’ai jamais vu avant, mais il y a quelque chose chez lui qui me dit qu’il est un perdant, une cible de choix. Quelle est cette chose ? C’est son buy-in. Son maigre, pitoyable, short buy-in. 
Par John Vorhaus

John VorhausJe suis en train de jouer du hold’em à 10-20$ quand un nouveau joueur arrive à la table. Je ne l’ai jamais vu avant, mais il y a quelque chose chez lui qui me dit qu’il est un perdant, une cible de choix. Quelle est cette chose ? C’est son buy-in. Son maigre, pitoyable, short buy-in.  

Il s’est inclus dans cette partie à 10-20$ pour la noble somme de 200$, en deux stacks de jetons à 5$. Est-ce que ça signifie qu’il est si confiant que deux stacks suffiront et qu’il ne sent pas le risque de jouer plus ? Ha ! Au contraire, ça signifie qu’il est désespéré à l’idée de perdre – si désespéré, en fait, qu’il n’a pas appliqué la mesure prophylactique du short buy-in dans un effort mal dirigé pour se protéger de lui-même. Il a probablement plus d’argent dans sa poche, mais il croit que s’il ne le met pas en jeu, il ne le compromettra pas.

Wooh ! Vous pouvez sentir la peur d’ici.

Et comme nous le savons tous, du poker craintif est du poker perdant. Si quelqu’un dans votre partie est assez craintif pour faire un short buy-in, il ne jouera pas correctement. Il foldera quand il devrait caller et caller quand il devrait raiser. Il deviendra une victime pour les joueurs forts, futés, assurés, et une délicieuse victime ; une proie qui ne bouge pas.

Ça m’évoque le souvenir de l’enfant à l’école primaire qui a, collée sur le dos, une note qui dit « kick me ». La seule différence, c’est qu’ici, le joueur s’est lui-même collé cette note au dos. Et qu’est-ce qu’on fait avec un joueur pareil ? On l’attaque. On l’attaque sans pitié. À partir du moment où il commence, et sans lui laisser de repos. Parce que même si ce joueur devient chanceux et qu’il parvient à prendre un peu d’avance, il s’est déjà identifié comme quelqu’un chez qui la pensée du poker est défectueuse. Il ne se concentre pas sur le fait de gagner, mais sur celui de ne pas perdre. C’est seulement une question de temps avant qu’il ait dilapidé son short buy-in et qu’il remette de l’argent de sa poche, l’argent qu’il tentait si bien de protéger.

Un short buy-in est de l’argent condamné. Condamné ! Ne soyez jamais celui qui fait un short buy-in. Si vous êtes vraiment sous-capitalisé pour une partie, alors vous n’avez rien à faire dans cette partie dès le départ. Descendez votre limite. Descendez jusqu’à ce que le montant d’argent que vous mettez en jeu soit adéquat. Ok, alors, Monsieur-je-connais-tout-du-killer-poker : quel est le montant adéquat ? Dans la plupart des salles de cartes et des casinos, le buy-in typique est un buy-in complet, peu importe leur valeur. Ce serait 200$ dans un jeu à 2$, 500$ dans un jeu à 5$, et ainsi de suite. « Donne-moi un stack», disent-ils. Un stack est la convenance.

Mais nous ne sommes pas là pour les convenances. Nous sommes là pour écraser. Si vous ne voulez jamais faire un buy-in pour moins que le stack typique de la table, vous voulez peut-être faire un buy-in pour beaucoup plus. Si tout le reste du monde fait un buy-in complet, faites-en un pour deux. Non, ça ne fera pas de vous un maniaque trop audacieux et hors de contrôle. Au contraire, ce sera une force sur laquelle vous pourrez compter. Ça enverra le message au reste de la table que vous arrivez pour jouer – et pour bien jouer – et que vous êtes assez fort et assuré pour investir deux fois plus d’argent que les autres.

Et pour ceux qui arriveront après vous, ça enverra le message que vous êtes un gagnant. Eh bien, à leurs yeux, vous devez en être un, puisqu’ils prendront pour acquis que vous avez fait un buy-in pour un rack, comme tout le monde, et que, grâce à la chance ou à un excellent jeu, vous avez réussi à en amasser un deuxième. Une bonne chose pour vous !

À quel point est-ce que le short buy-in est mauvais ? Considérez ce scénario : quelqu’un fait un buy-in de 60$ dans une partie de 6-12$. À sa première main, il reçoit pocket as. Il sait qu’il devrait raiser, mais il a peur de confier trop d’argent en plus au pot, au cas où sa main ne tournerait pas en sa faveur. Il joue à la défensive.  Ou peut-être pense-t-il qu’il pourra remettre en jeu beaucoup d’argent gagné à partir de son petit stack, en mettant ses as dans un field à cinq ou six sens. Dans tous les cas, il laisse beaucoup de petits holdings passer dans le pot, et s’il est un bon sur chacun d’eux, il est mauvais dans l’ensemble. Quelques bets, quelques raises… Voilà, il met all-in à la première main. Quand il perd (ce qu’il fait, parce qu’il laisse les autres dominer), il se retrouve acculé au pied du mur ; triste et fâché, il achète plus de jetons avant même que son siège n’ait eu le temps d’être chaud.

Les dommages sont doubles : son short buy-in a inspiré ses adversaires parce qu’il l’a fait paraître pour un perdant ; le même short buy-in l’a poussé hors de la partie parce qu’il se sentait aussi comme un perdant. Bon dieu, quel bordel. Ne laissez pas cela vous arriver. Jamais. Si vous ne pouvez pas faire de buy-in pour un montant décent, ne faites tout simplement pas de buy-in. Un short buy-in veut simplement dire que vous avez peur, et vous ne voulez jamais dire que vous avez peur.

Tant qu’à ça, vous pourriez aussi porter cette note qui dit « kick me ».