Les pertes de poker non-déductibles?

stevencohen-avocat-poker-impotSteven Cohen, un avocat de Toronto qui appréciait tellement jouer au 7-cards Stud qu'il a décidé de quitter de son emploi de 200 000$ par an pour une carrière de joueur de poker à temps plein… mais les choses ne sont pas allées il le souhaitait.

M. Cohen a commencé avec une énorme confiance, estimant qu'il pourrait faire environ 150 000$ durant sa première année en jouant des tournois de small stakes, puis il prévoyait monter graduellement de limite et pouvoir retirer 500 000$ annuellement. Il se disait prêt: il avait lu plusieurs livres, il avait assisté à un séminaire de jeu à Las Vegas et tentait d'améliorer sa façon de bluffer et sa lecture de ses adversaires.

Il s'est ensuite inscris à de nombreux sites de jeu en ligne, jouant jusqu'à 8 heures par jours. Il a également voyagé à Las Vegas et à Niagara Falls pour jouer des tournois dans des casinos. Les choses ont bien commencés pour lui, mais la chance a rapidement tourné. À la fin de 2006, sa première année en tant que joueur professionnel à temps plein, M. Cohen avait perdu 122 000$. Le montant était suffisamment important pour qu'il renonce à sa vie de joueur professionnel de poker.

Le temps des impôts venu, il a affirmé avoir eu une perte de 122 000$, déductible comme "dépense d'entreprise". M. Cohen prétendait qu'étant joueur professionnel, il avait droit à cette déduction. L'Agence du Revenu du Canada n'était pas de cette avis et a rejeté la réclamation, plaidant que le poker de M. Cohen était un hobby et non pas une entreprise légitime.

L'affaire s'est donc retrouvée devant la Cour Canadienne de l'Impôt. Dans son verdict, le juge a déclaré que M. Cohen n'avait pas réussi à démontrer qu'il s'était engagé dans une entreprise commerciale avec une expectative raisonnable de profit. Commentant l'achats de livre et le séminaire auquel a assisté M. Cohen, le juge déclare: "Je prend connaissance d'office du fait que de nombreux joueurs d'échecs amateurs ont un petite bibliothèque sur le jeu, sur les différents coups et sur les joueurs célèbres. Il n'en sont pas pour autant des professionnels simplement parce qu'ils possèdent ce matériel. Le fait que M. Cohen a perdu de l'argent chaque mois, incluant ses trois premiers mois alors qu'il jouait des parties avec de plus petits enjeux, ne suggèrent même pas une compétence supérieure pour ce niveau de jeu."

Le juge a également critiqué le plan d'affaire de M. Cohen, arguant qu'il était insuffisant et ne comportait aucune budgétisation adéquate, aucun planification fiscale ou aucun financement. La source principale de financement de M. Cohen était une augmentation des limites de sa carte de crédit de 27 000$ à 40 000$. En égard à tout ce qui précède, le juge a déclaré que M. Cohn n'a pas démontré qu'il avait planifié ses activités comme constituant une profession, un métier, un commerce ou une aventure pouvant tomber dans la définition d'une entreprise.
M. Cohen, qui a depuis ouvert un bureau d'avocat, s'est dit déçu de la décision mais ne fera pas appel: "Je suis évidemment en désaccord avec les conclusions du juge, qui a essentiellement régurgité les arguments de l'Agence de Revenu Canada dans son jugement. Je n'aurais pas pris mon cas aussi loin que je l'ai fait si je n'avais pas la ferme conviction que j'ai mené une entreprise de poker en 2006".

Benjamin Alarie, professeur de droit à l'Université de Toronto ayant étudié l'imposition des gains de poker, a dit qu'il y aura de plus en plus de cas comme celui de M. Cohen, parce que de plus en plus de canadiens jouent au poker en ligne. Le professeur Alarie indique qu'il y a une grande différence entre jouer au poker de façon récréative et essayer de devenir un professionnel. Les joueurs récréatifs ne sont pas imposés sur leurs gains, mais ils ne peuvent pas en déduire leurs pertes. "Il y a un certain nombre de jeunes joueurs canadiens qui jouent au poker en ligne et, paradoxalement, vivent dans le sous-sol de leurs parents et gagnent des sommes importantes. Ils sont dans une situation difficile: sont-ils professionnels ou non? Ils ne se fient pas vraiment sur les gains qu'ils font pour vivre, mais ils font des sommes considérables d'argent. Devraient-ils se considérer comme professionnels ou non?" se question le professeur Alarie.

M. Alarie ajoute que, jusqu'ici, très peu de joueurs ont été en mesure de convaincre l'Agence de Revenu du Canada et les tribunaux qu'ils sont passés de joueur récréatif de poker à joueur professionnel. "Il est difficile de dire exactement où est la ligne… car nous ne savons tout simplement où la tracer" dit-il. "Ce cas est tout simplement fascinant!".

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