Tournoi : Sklansky est dans l'erreur

Article d'opinion de Yannick Frenette, alias Yaf, concernant la théorie du gap-concept et le reverse-chip value (valeurs décroissantes des jetons). Comparaison des théories de David Sklansky et de Arnold Snyder.
Qui suis-je pour me permettre de remettre en question LE théoricien du poker le plus fameux ? D'abord, rendons à César ce qui appartient à César: les idées discutées ci-dessous ne proviennent pas de ma petite cervelle, mais bien de celle d'Arnold Snyder, auteur des livres Tournament Formula I et II. Un excellent joueur de poker, doublé d'une légende du Black Jack (l'un des 7 nominés de bases du BlackJack Hall of Fame).

En introduction de l'ouvrage Power Hold'em Strategy écrit par Daniel Negreanu et des collaborateurs, Negreanu mentionne les trois plus grands livres de poker selon lui·: en fait, il n'en nomme que 2, question de se garder une place pour un éventuel chef-d'œoeuvre.
Read More Les deux œoeuvres mentionnées sont le légendaire Super System de Doyle Brunson et, vous l'aurez deviné, Tournament Formula d'Arnold Snyder. Il n'en fallait pas plus pour piquer ma curiosité et m'amener éventuellement à lire ce livre. Étant un procrastinateur notoire, j'ai malheureusement remis la lecture au lendemain, puis au surlendemain, me privant du contenu de ce joyau pour une période qui, de mon point de vue actuel, me semble très looooongue. Trop longue. Dans ce bijou, Snyder associe les jetons de tournois à des munitions et les compétences (les "skills", c'est-à-dire les aptitude à lire les cartes de son adversaires et les tells, la capacité à faire de bons bluffs, etc. ) sont quant à elles associées à l'armement. Évidemment, sans munition, les armes ne servent plus à rien...

 


Revenons-en à Slansky. Je suis d'avis que celui-ci se baigne dans l'erreur, pour ne pas dire qu'il s'y noie. Snyder peut-il se permettre de corriger Slansky, allant jusqu'à dire de celui-ci - indirectement - qu'il est un «·poker author with little understanding of bluffing to distort [V]on Neumann's work this way·». Page 215. Il dit également que Slansky reprend des théories déjà établies par d'autres théoriciens sans leur rendre le crédit qu'il leur ait dû. Bang pour l'égo de Slansky. Vous expliquez en 2-3 mots la manière de jouer de Snyder·: l'opposé du style HarringtonBot.


Avant de m'égarer, je questionnais à savoir si Snyder pouvait se permettre de corriger Slansky ? À mon avis, oui, OUI, certainement, hors de tout doute possible. Primo, il est indéniable que Slansky soit un des plus grands théoriciens et mathématiciens du poker, mais quant est-il de ses performances ? Entend-t-on parler de ses résultats, joue-t-il à la télé, etc. ? Non. De plus, Snyder soutient sa contre-théorie avec une excellente information et de solides exemples. Les 2 principaux concepts que Snyder détruit de Slansky sont·:

1-····· Reverse-chip value: le fait que moins on a de jetons, plus ceux-ci prennent de valeur et vice versa.

2-····· Le gap concept.


Valeur décroissante des jetons:


David Slansky, notamment dans Tournament for Advanced Poker Players, a popularisé l'idée que plus l'on a de jetons, moins la valeur de ceux-ci est grande et, à l'inverse, moins l'on a de jetons, plus ceux-ci prennent de la valeur. Comme argument, Sklansky énonce le fait que le gagnant d'un tournoi se retrouve avec tous les jetons, mais seulement une partie des bourses du tournoi. Dans le même ordre d'idée, lorsqu'il reste 2 joueurs, ceux-ci totalisent l'ensemble des jetons, mais, encore, seulement une partie du prizepool. Il y va également d'une autre logique pour démontrer que moins tu as de jetons, plus ceux-ci prennent de la valeur. Vous pouvez consulter les livres de Sklansky pour de plus amples détails.

Or, cette idée largement implantée dans la tête des joueurs de poker n'a peu de sens. Quelqu'un pensant de la sorte devrait pratiquement être plus heureux de perdre des jetons que d'en gagner puisque il rajoute de la valeur à ses avoirs en les perdant! Sic! Et sick! Snyder démontre l'inverse avec une grande aisance·: moins tu as de jetons, moins tu peux utiliser tes armes (bluffer, caller pour info, check-raiser, value-better, etc.). Faire la guerre avec un fusil et peu ou pas de munitions, ce n'est pas très pratique. En contre-partie, avec une tonne d'ammos, tu peux transformer ton Colt 45 en arme automatique et tirer en tenant la gâchette à fond. C'est avec ces arguments en tête que Snyder amène le concept le plus important en poker de tournoi: le concept du Chip Utility. Ce concept est d'une telle importance que les Pot Odds n'ont souvent pas à être suffisant pour faire un Call avec une main en considérant que si l'on gagne, on aura plus de jetons et on pourra ainsi bénéficier plus amplement du Chip Utility. Les meilleurs joueurs de tournoi le savent et le font. Par exemple, Gus Hansen est souvent critiqué pour ses calls looses, et dit·qu'il n'a pas besoin d'une main aussi forte que ces adversaires pour appeler une mise. Il est bien au fait du concept du Chip Utility.

Le Gap Concept

Cet autre concept erroné de Slansky, encore une fois largement implanté dans la tête des joueurs de poker, va à l'encontre de la logique. Il prétend qu'il faut une main plus forte pour appeler une mise d'un adversaire, qu'il en faut pour miser étant donné qu'en misant, votre adversaire a déjà démontré une certaine qualité de main. Encore ici, Snyder détruit habillement Slansky. Il démontre que le fait d'avoir la position sur votre adversaire est plus important et devrait vous amener à appeler avec beaucoup de mains. Il apporte de nombreux arguments à cet effet... mais je n'en dirais pas plus: ça vous forcera à lire le livre si vous voulez en savoir plus! Je vous le recommande fortement!

En conclusion, comme le dit Galfon «·tout comme Slansky, j'ai un bon égo·» et j'aime bien me vanter. Alors, je vous dirais que j'ai probablement la plus belle bibliothèque pokerrienne de la province, soit + de 120 livres de poker/gambling. Du nombre, j'en ai lu (et relu!) plus de la moitié. Or, si je vous dis que Poker Tournament Formula I et II sont de l'or (entre autres en vous apprenant à switcher entre le SmallBall et le LongBall et à bluffer), je pense pouvoir dire que je ne parle pas au travers mon chapeau. Une seule question me vient en tête en ce moment·: comment, en dépit du nombre de livres que j'ai lu, puis-je donc être encore si mauvais joueur ?

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