Quelques trucs pour contrôler son tilt

Les joueurs de poker semblent obsédés par la stratégie, par le côté technique du jeu, les vidéos de stratégie, les lignes à adopter contre tel et tel type de joueur, les bons moments pour bluffer, les bons moments pour check-caller light, le jeu des blinds, le jeu du bouton, le fait de balancer son range contre les réguliers, etc. Évidemment, tous ces aspects techniques du jeu sont importants. Mais tous ces aspects sont généralement bien maîtrisés par les bons joueurs de poker. Par contre, tous les joueurs qui ont une bonne game technique ne sont pas nécessairement des joueurs gagnants. Savoir bien jouer au poker ne veut pas dire que l'on joue toujours bien au poker (le manque de constance est un gros "leak" au poker).

 

 

Vous pourrez parler des heures avec un joueur de poker qui a une game technique très avancée et vous constaterez que ce joueur est solide (et vous pourrez penser qu'il est un joueur gagnant). Pourtant, sur une table de poker, sur le long terme, il sera perdant.

Pourquoi? Parce que le point le plus important selon moi pour avoir du succès au poker est de systématiquement jouer sa A-game (on ne pourra jamais assez insister sur ce point). Tous les joueurs savent que le tilt est mauvais. Tous les joueurs tiltent à des degrés différents. Mais rare sont ceux qui comprennent l'importance cruciale de jouer sa A-Game en tout temps.

La gestion du tilt est une qualité essentielle

Tous les meilleurs joueurs de poker ont ce point en commun: ils sont rationnels et gèrent bien leurs émotions. C'est le travail le plus difficile qu'un joueur aura à faire. Oui, ces joueurs ont aussi une solide game technique, mais ce qui les différencie le plus des joueurs perdants et leur discipline à toujours jouer leur meilleur poker possible.

En 1 mois de travail, on peut en arriver à maîtriser parfaitement le jeu des blinds (ou du moins, à avoir une base assez solide pour battre notre limite).  En peu de temps, on peut mieux comprendre l'importance de jouer beaucoup de mains sur le bonton et comment jouer avec succès ces mains. On peut devenir excellent à lire ses adversaires et à comprendre la game théorique le mieux possible. Tout ce travail technique s'apprend bien par n'importe qui capable de terminer un secondaire 5. Mais un point a plus ou moins rapport avec les capacités intellectuelles et c'est le contrôle de soi, le contrôle de ses émotions à une table de poker.

C'est incroyable le nombre de discussions que j'ai eues avec des membres de PokerCollectif où le joueur me disait:"Je suis un joueur gagnant tu sais, mais j'ai beaucoup de problèmes de tilt et ça m'arrive souvent de perdre mes gains les fois où je suis tilté. Si ce n'était pas du tilt, je serais vraiment gagnant". Malheureusement, on ne peut pas voir les choses ainsi. C'est comme dire:"Si ce n'était pas du temps où je joue mon small blind et mon big blind, je serais un joueur gagnant". Tous ces aspects comptent et il faut exceller partout.

Si tu gagnes 2000$ en 3 semaines de "grind" intense et que tu "spew" 2500$ la dernière semaine parce que tu commences à "runner bad", tu es un joueur perdant. Oui, tu peux battre la game, OUI, tu comprends la game mieux que tes adversaires, mais tu n'a pas de maîtrise de toi et tu restes donc un joueur perdant.

Ici, j'aimerais donc vous donner quelques conseils pour jouer votre A game le plus souvent possible. Sachez que pour certains, le travail sera plus facile que pour d'autres. Mais sachez surtout que c'est un travail extrêmement important et que ça vaudra mieux que n'importe quelle formule mathématique pour calculer les odds.

Quelques ouvrages qui traitent du tilt

Je ne suis bien évidemment pas le premier à aborder le sujet du tilt. Depuis plusieurs années déjà, des auteurs comme Tommy Angelo et Jared Tendler se sont intéressés à ce sujet.

Je vous invite donc, si ce n'est pas déjà fait, à étudier ces ouvrages.

"Elements of Poker" de Tommy Angelo vous proposera des exercices simples pour rester calme en temps de panique. Des exercices de visualisation et de respiration. Ensuite, vous pourrez étudier "The Mental Game of Poker" de Jared Tendler. Un commentaire critique de l'ouvrage est disponible ici: http://www.pokercollectif.com/Divers/the-mental-game-of-poker-jared-tendler-tilt.html

Le but est de changer sa façon de voir les choses. Le joueur qui subit un badbeat voit le badbeat comme étant absurde;"Je me suis fait 1 outer dans un pot immense, c'est absurde, donc je tilt". Le but est de percevoir le tilt comme étant absurde. Pourquoi tilter quand on perd un flip? Le fait de gagner 95% de ses flips serait absurde et non le fait d'un perdre 1 sur 2.

D'autres excellents ouvrages ont aussi été publiés sur le tilt et même si tous ne sont pas aussi bons, je n'en ai pas encore lu de mauvais, donc libre à vous de les lire si le sujet vous passionne.

Quelques trucs

À titre de complément, j'aimerais vous donner quelques conseils pour contrôler votre tilt ou pour vous aider à joueur votre A-Game le plus souvent possible.

La première chose importante pour maîtriser son tilt est de bien se connaître. Êtes-vous plus calme le matin, après une nuit de sommeil ou le soir? Êtes-vous plus calme après avoir dîné ou l'avant-midi? Le fait de bien se connaître fera en sorte que nous nous mettrons dans les meilleures dispositions possibles pour ne pas tilter et que nous jouerons lorsque notre esprit sera à son meilleur pour prendre des décisions. Si vous jouez au poker en revenant d'un bar, il est possible que votre patience et votre concentration soient moins grandes et par conséquent, votre tendance sera plus grande à tilter. En d'autres mots, tout ce qui vous entraîne à jouer votre B et votre C game est un facteur qui encourage le tilt. Certaines personnes jouent le matin après avoir bu 4-5 café. De quelle manière le café agit-il sur vous? Devenez-vous hyper actif et plus enclin au tilt? Avez-vous un VPIP plus élevé à mesure que vous enlignez les tasses de café? Après avoir mangé un gros repas, devenez-vous moins attentif et plus endormi?

Mes débuts de sessions sont perdantes

J'ai lu plusieurs fois le commentaire suivant:"On dirait que mes sessions débutent toujours par la perte de 2-3 buy-ins. Ensuite, je me ressaisi et je regagne l'argent perdu. On dirait que j'ai besoin de perdre quelques buy-in avant de prendre la game au sérieux. On dirait que je run plus bad en début de session".

Si c'est votre cas, vous devriez considérer l'option de vous réchauffer d'une autre manière (moins coûteuse) avant de commencer à jouer. C'est le même principe avec le tennis par exemple, ou n'importe quel autre sport. Vous revenez sur le terrain après 1 semaine de repos et les premières minutes, vous êtes moins alerte, moins rapide, moins "dans le mood". Après quelques échanges, vous reprenez tranquillement votre rythme et vous êtes à votre meilleur. Sur un terrain de tennis, le "vous" réchauffé battrait le "vous" non préparé.

Un réchauffement peut aussi être nécessaire lorsque l'on joue au poker. Pour ce faire, vous pourrez ouvrir 4 tables et regarder les joueurs de votre limite. Posez-vous des questions, entraînez votre cerveau à être sur une table de poker. Visualisez 4 coolers rapides et imaginez vous que ça peut vous arriver. Préparez-vous à runner bad, parce que c'est une possibilité. Quand vous êtes dans le mood, vous commencez à jouer et c'est comme si ça faisait 1 heure que vous jouiez déjà. Ne jouez pas au poker si vous ne vous sentez pas "dans le mood". Autre point positif, le fait de perdre systématiquement 2-3 buy-in en début de session peut-être tiltant, Si vous commencez d'emblée à jouer votre A-game, les chances de perdre des buy-ins seront moins grandes et par conséquent, les chances de tilter le seront aussi.

Pendant ce temps d'étude, profitez-en par exemple pour regarder jouer les plus gros gagnants de votre limite et prenez des notes sur eux quand vous voyez des showdowns. Notez aussi de quelle façon ils ont joué leur main contre quel joueur. Tentez de voir si vos adversaires ont les mêmes sizing lorsqu'ils bluffent que lorsqu'il value bet. Ce n'est ici que deux exemples parmi 1000 points que vous pourrez étudier.

Des petits détails à une table peuvent être tiltant. Tous ne seront pas d'accord avec moi, mais le fait de railer un all in est nocif pour les joueurs qui ont tendance à tilter. Si vous multi-tablez et que vous callez un all in avec une main qui est devant le range de votre adversaire, le fait d'attendre les cartes qui vont tomber sur le board ne donnera rien. Ça peut être encore plus frustrant.

Vous êtes all in avec AK contre QQ et vous frappez un as un flop! Vous êtes souriant et confiant. Le K sur le tournant conforte votre sentiment de remporter la main et la rivière donne une Q. Vous avez alors l'impression de vous êtes fait 2 outer.

D'un côté rationnel et logique, que vous perdiez sur QQxxx, sur 4569T ou sur AAKQQ ne change rien au fait que vous avez perdu la main. Mais si ce genre de détails vous tilt, il est sûrement préférable de ne pas regarder les résultats. Vous pourrez le faire plus tard avec votre tracker lorsque vous reverrez des mains. Le fait d'ignorer complètement la main de votre adversaire est une erreur, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit! Mais attendez à la fin de votre session si c'est mieux pour vous.

Autre détail; lorsque vous avez une décision très serrée à prendre en début de session et que vous hésitez beaucoup entre un call ou un fold, vous êtes peut-être mieux de folder. Évidemment, certains coachs vous diront de caller étant donné qu'un mauvais fold est souvent plus coûteux qu'un mauvais call et qu'en plus, vous obtenez l'information sur la main de votre adversaire, mais si le fait de caller et de ne pas avoir la meilleure main vous tilt pour le reste de la session, allez-y pour le fold (je le répète, quand c'est serré et que le EV d'un call ou d'un fold est selon vous égal). Pour folder, vous devez avoir beaucoup d'informations sur votre adversaire pour assumer que cette situation est EV neutre.

Autre point important qui me vient à l'esprit: lorsque vous jouez contre des joueurs qui multi-tables à des limites assez basses (autour de NL100 et moins), ne vous engagez pas trop dans des guerres de meta-game. Par exemple, vous jouez contre un régulier qui multi-tables, vous ouvrez votre bouton, il vous 3bet du big blind, vous foldez. La fois suivante que vous êtes sur le bouton, vous ouvrez et il vous 3bet encore. À cette étape-ci, vous pourrez commencer à paranoïer et à vous dire que votre adversaire est en train de vous playback parce qu'il juge que vous ouvrez trop de boutons. C'est possible et plusieurs bons réguliers vont vous exploiter de cette manière. Mais avant de faire un 4bet light ou de tenter de caller le 3bet et de floater avec J7o, assurez-vous que c'est un joueur qui pense assez loin pour qu'il y ait une metagame. Souvent, je vois des joueurs tenter de 4bet bluffer avec AT, se faire 5bet raiser all in et se dire qu'ils doivent caller et font face à KK ou AA. C'est évidemment quelque chose de frustrant et qui peut générer du tilt. Mais sachez que beaucoup de joueurs vont jouer leurs 2 cartes sans trop tenir compte de l'historique. Probablement que ces réguliers ont 10,000 mains sur vous et que le fait que vous venez d'ouvrir deux fois une main du bouton ne changera rien à votre range pour reux. Bref, connaissez bien vos adversaires avant de tirer des conclusions trop rapidement. Dans le même ordre d'idée, n'attribuez pas trop rapidement de l'intelligence et des compétences à vos adversaires; ça peut être un autre facteur de tilt. Faire un bon ajustement sur une table de poker est un comportement intelligent et c'est seulement un petit pourcentage des joueurs qui sont capables de faire ces ajustements.

Autre exemple: Vous jouez une main contre un "fish" et vous vous dites que sa ligne ne fait pas de sens (par exemple, il check raise très gros un flop pairé et sec) et vous vous dites quelque chose comme "je n'ai pas le choix de caller, sa ligne ne fait pas de sens, il est sûrement en train de bluffer". Si vous cherchez le sens de chaque jeu sur une table de poker, vous en avez pour la vie à ne rien comprendre. Dans ce cas, le jeu par défaut sera de folder et de passer à une autre main. N'essayez pas trop des guerre de "leveling" avec ce type de joueurs parce qu'ils finiront nécessairement par vous tilter. Je ne dis pas de ne jamais faire de jeu, je dis simplement d'être prudent lorsque l'on tire des conclusions. 

Lien entre A-game et tilt

Le fait de ne pas jouer sa A-game fait en sorte qu'on est plus susceptible de perdre de l'argent. Le fait de perdre de l'argent peut générer du tilt. Avant chaque session, vous devriez avoir un "stop loss", c'est-à-dire un montant que vous vous donnez le droit de perdre avant de quitter la session. Tenez-vous en à ce montant! De toute manière, même si vous avez bien joué et perdu 8 buy-in, soyez assurés que même si vous continuez votre session, vous ne jouerez pas votre A-game et que vous devriez probablement prendre une pause d'au moins 24 heures. Certains joueurs sont capables d'indifférence à une mauvaise séquence s'ils savent qu'ils ont bien joué, mais c'est le cas de trop peu de joueurs. Si vous ne respectez pas ce "stop loss", vous pourrez perdre encore plus, être encore plus tilté et jouer encore plus mal. Voyez ces situations comme des défis. Dites-vous que si vous n'êtes pas capable d'arrêter votre session après avoir perdu 8 ou 10 buy-in, que vous n'avez pas toutes les qualités nécessaires pour devenir un bon joueur de poker. La discipline est très importante au poker et ce, à bien des niveaux. Savoir quitter une session au bon moment est une qualité importante chez un joueur de poker, autant que de check-raiser dans les bonnes situations. Il faut être capable de bien juger son état esprit. Suis-je présentement en train de jouer ma A-game? Il faut savoir y répondre objectivement.

Regard objectif et critique sur soi

Dernier point important à noter: doutez toujours de vous-même. Je crois que c'est ici que beaucoup de joueurs échouent. Ils se croient solides et gagnants. Ils multi-tables des mois et des mois et finissent par être perdants. Ces pertes les tiltent et ces joueurs jouent encore plus mal qu'avant. Si vous vous croyez gagnants et que vous êtes en réalité perdants, vous crierez probablement haut et fort que vous "runnez bad". Et qui dit "run bad" dit "tilt".

Le fait de ne pas reconnaître que nos échecs sont dus au manque de compétence vous fera tilter. Soyez donc toujours honnête avec vous-même et si vous n'êtes pas certains, prenez un bon coach pour 1 heure seulement, même si vous pensez que vous êtes aussi bon que lui. Cette personne (préférablement réputée et jugée solide au poker) pourra vous donnez un avis objectif sur votre jeu et pourra vous dire si vos pertes sont causées par le manque de compétence ou le run bad. Si vous n'avez pas les outils nécessaires pour battre les réguliers de votre limite, vous arrêterez de mettre toute la faute sur la malchance et vous arrêterez de tilter par le fait même. C'est alors que vous recommencerez à travailler votre game avec sérieux pour redevenir gagnant.

Le contrôle de soi est l'exercice d'une vie. Certaines personnes ont génétiquement une meilleure prédisposition à dealer avec le tilt, mais je pense que chaque personne qui s'investit et qui a assez de volonté finira bien par avoir un bon contrôle d'elle-même sur les tables de poker.

Nous espérons que ces quelques notes vous donnerons à réfléchir. N'oubliez pas de lire (et relire) les ouvrages suggérés plus haut!

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Auteur: Kidam